Abdelghani Dades a été nommé par le roi du Maroc à l’exécutif d’une organisation d’expatriés marocains. En prenant la défense des Frères Musulmans qui cherchent à implanter la charia au Canada, Abdelghani Dades agit-il comme porte-parole du gouvernement marocain?
Après que la députée Monique Richard ait soulevé à l’Assemblée nationale du Québec qu’il était inacceptable que l’école Dar al-Iman dirigée par des islamistes associés aux Frères Musulmans reçoive des fonds publics (555 500$ par année depuis 2007), un dénommé Abdelghani Dades s’est porté à la défense des Frères en qualifiant le discours de la députée Richard d’islamophobe et en recourant à d’autres d’épithètes.
Lors de son intervention, Madame Richard a indiqué que les Frères Musulmans « sont contre la civilisation occidentale et (que) l’essentiel de leur philosophie est antisémite, anti-gays et anti-femmes. »
Dans un article précédent, Point de Bascule s’est attardé à commenter l’éditorial publié par Dades dans le journal Atlas.Mtl ainsi qu’à détailler les modalités du programme d’islamisation des Frères Musulmans.
Les liens que l’école Dar al-Iman entretient avec les Frères Musulmans sont confirmés par les informations suivantes:
1. Le directeur de l’école, Lazhar Aissaoui, fait partie du conseil de direction de la MAC, la section canadienne des Frères Musulmans;
2. Le site internet de l’école indique que « depuis décembre 2003, l’école Dar Al Iman est affiliée à l’Association Musulmane du Canada (MAC) »;
3. Dans son communiqué de presse du 6 décembre 2010, le directeur Aissaoui indique que la MAC fournit du matériel scolaire et dispense des programmes de formation à son école.
Abdelghani Dades
En plus de travailler pour le journal Atlas.Mtl à Montréal, Abdelghani Dades fait partie du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), un organisme dont le siège social est à Rabat (Maroc). Le CCME est une émanation du gouvernement marocain. Le président, le secrétaire-général et les 36 autres membres du Conseil (dont Adbelghani Dades) sont nommés directement par le roi Mohammed VI du Maroc. Le président et le secrétaire-général du CCME occupent des positions d’un niveau comparable à celles des ministres et des secrétaires d’État dans l’administration publique marocaine. L’information est contenue dans un rapport (page 15) consacré au CCME qui fut produit pour l’Institut universitaire européen (Florence).
La biographie de Dades disponible sur le site marocain du CCME indique qu’il est également membre de l’organisation Droits et Démocraties créée par le Parlement canadien en 1988 et membre de la table Maghreb du ministère de l’Immigration du Québec. Le dernier rapport annuel (page 17) de Droits et Démocraties indique que le gouvernement fédéral a assuré 78% du financement de l’organisation pour la période 2009-2010.
Atlas.Mtl et le journal marocain Tel Quel ont présenté d’autres biographies plus détaillées d’Abdelghani Dades. Elles sont reproduites à la fin de cet article.
Ibn Khaldoun (1332 – 1406)
Dans une édition récente du journal Atlas.Mtl (30 septembre au 13 octobre 2010), Abdelghani Dades présente un long article élogieux (page 21 et page 22) envers l’exégète musulman Ibn Khaldoun. Pour indiquer son adhésion aux vues de celui qu’il qualifie de « penseur d’une grande actualité », Dades utilise la formule suivante: « Nous ramenons les enseignements (d’Ibn Khaldoun) dans nos bagages ».
À partir du moment où Abdelghani Dades admet endosser les idées d’Ibn Khaldoun, il ne reste plus qu’à s’y référer pour comprendre les raisons derrière le support qu’il accorde aux Frères Musulmans.
Les prolégomènes (Paris, Imprimerie impériale, 1863) constituent l’ouvrage le plus connu d’Ibn Khaldoun. Il est disponible en version PDF sur Google Livres (Partie 1 – Partie 2 – Partie 3).
Ibn Khaldoun y explique la justification théologique derrière les ambitions de conquête de l’islam. Dans la version française du texte qui date du XIXe siècle, le traducteur utilise le terme « islamisme » avec le sens qu’on donne aujourd’hui au terme « islam » :
« Dans l’islamisme, la guerre contre les infidèles est d’obligation divine, parce que cette religion s’adresse à tous les hommes et qu’ils doivent l’embrasser de bon gré ou de force. On a donc établi chez les musulmans la souveraineté spirituelle et la souveraineté temporelle, afin que ces deux pouvoirs s’emploient simultanément dans ce double but. Les autres religions ne s’adressent pas à la totalité des hommes; aussi n’imposent-elles pas le devoir de faire la guerre aux infidèles; elles permettent seulement de combattre pour (leur) propre défense. Pour cette raison, les chefs de ces religions ne s’occupent en rien de l’administration politique.» (P1 – p. 469 Google Livres)
Ibn Khaldoun définissait ainsi le programme des califes qui succédèrent à Muhammad:
« On avait besoin d’un chef pour défendre l’empire, combattre les infidèles, empêcher les apostasies et conquérir des royaumes. » (P1 – p. 432 Google Livres)
Voici un programme de jihad offensif et défensif en tous points comparable à celui qu’exposa plusieurs siècles plus tard le fondateur des Frères Musulmans, Hassan al-Banna (1906 – 1949), dans son classique Jihad.
Ibn Khaldoun poursuit en décrivant le programme de subjugation que menèrent les deux premiers successeurs de Muhammad:
« Abou Bekr remplit ses devoirs sans s’écarter des usages de son maître (Muhammad); il combattit les tribus qui avaient apostasié et finit par rallier tous les Arabes à l’islamisme. Omar, à qui il transmit le khalifat, se conduisit comme lui; il fit la guerre aux autres peuples, les subjugua et autorisa les Arabes à dépouiller les vaincus. » (P1 – p. 414 Google Livres)
Ibn Khaldoun était également un fervent promoteur de l’esclavage qu’il défendait en plaidant l’infériorité des Noirs.
« La plupart des nègres s’habituent facilement à la servitude; mais cette disposition résulte, ainsi que nous l’avons dit ailleurs, d’une infériorité d’organisation qui les rapproche des animaux brutes » (P1 – p. 309 Google Livres)
Ailleurs, Ibn Khaldoun a écrit des Noirs qu’ils étaient « semblables à des bêtes féroces » (P1 – p. 169 Google Livres).
Lors d’une présentation de son livre Le génocide voilé à la télévision française (vidéo 5:26), l’historien Tidiane N’Diaye évoqua l’appui d’Ibn Khaldoun à l’esclavage arabo-musulman pratiqué durant quatorze siècles.
Fréquemment, la tête d’affiche des Frères Musulmans, Tariq Ramadan, réfère à Ibn Khaldoun. Dans son ouvrage What I believe (New York, Oxford University Press, 2010, pp. 83-84), il qualifie l’apport intellectuel d’Ibn Khaldoun de « décisif ».
D’autres prises de position
Outre ses appuis aux Frères Musulmans et à Ibn Khaldoun, Abdelghani Dades s’est récemment illustré par d’autres prises de position :
1. Il a déclaré que le taux de chômage affectant la population d’origine maghrébine au Québec entraînera « un affaiblissement de (sa) volonté d’adhésion aux valeurs du pays » (Le Devoir, 27 mars 2008, p. A3);
2. Il s’est opposé au versement d’une subvention gouvernementale aux communautés noires du Québec qui visait à favoriser l’entrepreneuriat (Le Devoir, 26 juillet 2007, p. A3);
3. Il a écrit de Mario Dumont (alors chef de l’ADQ) qu’il se comportait « comme celui qui vraisemblablement est son modèle, le tristement célèbre Jean-Marie Le Pen » (Atlas.Mtl, 23 novembre 2006, p. 3).
Conclusion
Dans une entrevue que Naser Khader réalisa avec l’ambassadrice marocaine au Danemark en 2007 ou 2008, celle-ci rappelait les problèmes que les Frères Musulmans avaient causés au Maroc. Dans ces circonstances, il serait d’autant plus inacceptable que le gouvernement marocain ait recours à ses ressortissants qui sont membres d’organismes qu’il contrôle comme le CCME pour encourager l’implantation des Frères Musulmans au Canada alors qu’il cherche à la décourager sur son propre territoire. Si c’était le cas, il s’agirait d’un double jeu semblable à celui que pratique le gouvernement libyen.
Les propos de l’ambassadrice du Maroc ont été mentionnés dans un article publié par le Hudson Institute qui a été archivé par GMBDR.
Références supplémentaires:
Atla Médias, journal de la diaspora marocaine à Montréal, se met au service des Frères Musulmans