J’ai béni plus de 30 mariages polygames au cours des cinq dernières années, le plus récent il y a deux mois. Même certains imams dans la région du grand Toronto sont bigames. C’est dans notre religion et personne ne peut nous forcer à faire quoi que ce soit contre notre religion. Si les lois du pays sont en conflit avec la loi islamique, alors je vais suivre la loi islamique, c’est aussi simple que cela. – Imam Aly Hindy de Toronto
Le premier ministre du Québec a récemment annoncé que le gouvernement exigera des nouveaux arrivants qu’ils s’engagent par écrit à accepter les valeurs de la société québécoise. La polygamie ne fait certainement pas partie de ces valeurs, ni la violation des lois qui contredisent la charia. Les gouvernements du reste du Canada devraient suivre cet exemple.
Il faut aussi réformer notre système d’immigration qui est gravement dysfonctionnel. Selon un livre sur ce sujet corédigé par Martin Collacott, un ancien diplomate canadien, et récemment publié par le Fraser Institute (cliquez ici) : «Toute tentative de réforme est entravée par l’absence de débat politique, par crainte d’offenser un groupe ethnique particulier, scénario qui s’est déroulé tout au long des audiences de la Commission Bouchard-Taylor sur l’accommodement raisonnable au Québec. Dans le même temps, les avocats de l’immigration et les groupes de pression sont bien financés, souvent avec l’argent public, et travaillent sans relâche pour s’assurer que les partis politiques soient à la hauteur de leur rhétorique pro-immigration. Les changements au système devraient être faits avec une participation limitée des politiciens.»
Dans une récente chronique intitulée “De l’ordre dans le fouillis“, Lysiane Gagnon de La Presse encourageait le gouvernement fédéral à mettre de l’ordre dans sa politique d’immigration: «Il faut aussi que le Canada puisse déterminer ses priorités, autrement dit, choisir ses immigrants, en fonction de ses intérêts. C’est l’a b c de la bonne gouvernance».
Une mère de Toronto décrit son calvaire.
Traduction de: GTA’s secret world of polygamy, par Noor Javed, The Star, le 24 mai 2008
Il n’y avait pas de plaisanteries, il n’y avait pas de conversation. Safa Rigby s’attendait à entendre la voix de son mari lorsque le téléphone a sonné un matin. Au lieu de cela, l’appelant n’a même pas pris la peine de dire bonjour.
«Vous pensez que vous connaissez votre mari. Vous ne le connaissez pas du tout», a dit l’homme, un ami de son mari. «Sa voiture est garée à l’extérieur de ma maison en ce moment. Il est avec mon ex-épouse. Ils se sont mariés la semaine dernière», a dit l’homme.
Il a fallu à Safa une minute pour absorber la nouvelle. Puis elle a appelé celui qui est son mari depuis 14 ans, exigeant de savoir si ce qu’elle venait d’apprendre était vrai – pendant qu’elle avait passé un an en Égypte pour élever leurs quatre enfants dans un environnement plus islamique, il avait profité de l’occasion pour se marier, et pas seulement avec une, mais avec deux autres femmes à Toronto. «Oui, je suis marié», a-t-il dit, réduisant à néant tous ses rêves de leur avenir ensemble.
Il lui a dit qu’il s’était marié lors d’une petite cérémonie 20 jours plus tôt, présidée par Aly Hindy, un célèbre imam de Toronto, à sa mosquée de Scarborough.
«J’ai pleuré pendant six jours d’affilée. J’ai perdu l’appétit, ignoré les enfants, j’ai même dû commencer à prendre des antidépresseurs», a déclaré Safa, âgée de 35 ans. «Je n’arrive pas à comprendre comment une telle chose a pu se produire à Toronto, ma ville natale, où la polygamie est censée être illégale».
Ce fut facile. Il a simplement trouvé un imam prêt à enfreindre une loi canadienne pour faire prévaloir la loi islamique.
«La polygamie se pratique à Toronto. Ce n’est pas commun, mais ça se pratique», a déclaré Hindy, l’imam du Salahuddin Islamic Centre.
Hindy, qui n’est pas étranger à la controverse, est bien connu pour son amitié avec la famille d’Omar Khadr, le jeune Canadien détenu à Guantanamo Bay, et pour ses vues ouvertement favorables à l’application de la charia ou loi islamique. Hindy dit qu’il a officié ou «béni» plus de 30 mariages polygames au cours des cinq dernières années, le plus récent il y a deux mois. Même certains imams dans la région du grand Toronto sont bigames, a-t-il ajouté.
«C’est dans notre religion et personne ne peut nous forcer à faire quoi que ce soit contre notre religion», a-t-il dit. «Si les lois du pays sont en conflit avec la loi islamique, si l’une contredit l’autre, alors je vais suivre la loi islamique, c’est aussi simple que cela».
Ceux qui approuvent cette pratique expriment rarement leurs vues publiquement, et ceux qui pratiquent la polygamie ont tendance à le faire en secret, ce qui rend difficile d’attester du nombre de ces mariages qui ont eu lieu dans la région du grand Toronto.
Tout aussi difficile est de déterminer combien de familles polygames ont immigré au pays, malgré un rapport de 2005 commandé par Condition féminine–Canada qui a tenté de déterminer l’étendue de la polygamie et ses conséquences.
Mais officier à de tels mariages en violation flagrante du droit canadien est mal, selon Syed Mumtaz Ali, président du Canadian Society of Muslims, qui s’exprime souvent sur la polygamie.
«Les musulmans ne doivent pas conclure des mariages polygames alors qu’ils vivent au Canada, parce que la loi canadienne prévaut. Elle l’emporte sur la loi islamique s’il y a un conflit entre les deux», a-t-il dit.
La polygamie est un crime en vertu du Code criminel depuis 1892. Ceux qui contractent un mariage polygame ou qui officient à un tel mariage peuvent être accusés d’une infraction pénale et sont passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.
Mais la dernière fois que la polygamie a été poursuivie au Canada date d’il y a 60 ans. Les Mormons fondamentalistes de Bountiful, dans le sud de la Colombie-Britannique, voient la polygamie comme une partie intégrante et nécessaire de leur foi. Ils ont réussi à pratiquer la polygamie ouvertement et presque impunément depuis 1940, ayant fait face à un nombre limité de poursuites.
Un raid il y a six semaines dans un complexe polygame du Texas, où 440 enfants ont été saisis par des fonctionnaires de la protection de l’enfance, a également attiré l’attention sur la pratique de la polygamie et les croyances religieuses d’une secte. Une cour d’appel a toutefois ordonné cette semaine que les enfants, qui sont membres de la fondamentaliste Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, soient remis en liberté.
Les lois islamiques sur la polygamie, tout en étant fondées sur des textes religieux, diffèrent de l’exemple des Mormons. Bien que le Coran autorise la polygamie, elle n’est pas une exigence de la foi – et pour ceux qui souhaitent la pratiquer, il existe des conditions strictes: «Si vous jugez que ce serait dans le meilleur intérêt des orphelins, vous pouvez marier leur mère – vous pouvez marier deux, trois ou quatre femmes. Si vous craignez de devenir injuste, alors contentez-vous d’une seule femme, ou de celles que vous avez déjà».
«Le but de la polygamie était de protéger les femmes», a déclaré Shahina Siddiqui, travailleuse sociale auprès du Islamic Social Services Association, qui a travaillé sur un certain nombre de cas de polygamie. «La manière dont elle se pratique ici n’est pas juste. Les deuxième et troisième épouses n’ont pas de soutien social, elles n’ont aucune protection, aucun recours si les choses tournent mal, ce qui est une négation de toute la prémisse de la loi islamique». La polygamie peut fonctionner, souligne Siddiqui, si la société est organisée en conséquence, si elle est ouverte à celle-ci, et si des adultes y consentent.
Les lois provinciales prévoient une certaine protection pour les femmes dans des mariages polygames. Selon la loi sur la famille de l’Ontario, les femmes qui sont arrivées au Canada avec des documents valides attestant leur mariage polygame peuvent réclamer une pension alimentaire et des prestations sociales. Bien que la loi n’ait pas encore été testée, on estime que celles qui ont contracté un mariage polygame au Canada pourraient faire de même sur la base qu’elles sont des personnes vulnérables.
«À l’époque c’était fondé sur les besoins des femmes, mais aujourd’hui cette pratique est le fait d’hommes désireux d’avoir davantage de femmes», a déclaré Safa, qui est revenue récemment au Canada avec ses enfants, et vient de commencer le processus de séparation de son mari, un homme d’affaires. «C’est leur manière “halal” d’avoir une maîtresse».
Safa a dit que son mari lui a expliqué qu’il avait marié une autre femme dans le but d’aider celle-ci à se tirer d’une situation financière difficile. D’autres polygames disent qu’ils marient des femmes divorcées pour leur fournir un soutien ou pour avoir des enfants si leur épouse n’est pas en mesure de concevoir. Dans certains cas, une femme malveillante initiera le processus de recherche d’une épouse pour son mari, a déclaré Hindy.
«Je n’encourage pas les gens à le faire, sauf s’ils ont des raisons de le faire. La vie d’un polygame finit par être très compliquée. Il doit aller d’une maison à l’autre tout le temps», a-t-il dit.
C’est pourquoi Hindy conseille aux hommes de ne pas révéler leur second mariage, même à leur première épouse. Il y a eu des cas où il a accompagné des hommes à leur maison pour annoncer la nouvelle à la première épouse, dans une tentative de contribuer à réduire le choc.
Hindy avait conseillé au mari de Safa d’être réservé. Lorsque Safa a contacté Hindy par e-mail peu après avoir découvert qu’il avait béni le mariage, il a offert peu de soutien.
«Vous devez être à ses côtés dans ces moments difficiles. Vous devriez cesser de lui causer des problèmes. Vous n’obtiendrez rien par le divorce, sauf la destruction de votre vie», a-t-elle dit qu’il lui a dit.
Safa a alors réalisé à quel point elle serait seule dans ses démarches.
Comme les mariages sont entourés de secret, les femmes sont gênées de parler de leur situation, elles ont peu de soutien, et sont souvent contraintes d’y faire face seules.
«Vous êtes honteuse. Vous vous sentez responsable de la situation. J’ai arrêté de socialiser et d’interagir. Je me suis repliée. La première impression des gens est que si un homme se marie de nouveau, c’est à cause des carences de la première épouse», a déclaré Safa. «J’ai passé un an à tenter de résoudre un problème que je n’ai même pas créé».
Il a fallu près de deux ans à Safa pour mettre fin à son mariage, car elle avait du mal à imaginer comment elle s’en sortirait comme mère célibataire avec maintenant cinq enfants, âgés de 1 à 14 ans.
Bien que Safa ait finalement quitté son mari, de nombreuses femmes n’ont pas la force de faire de même. Une femme de 28 ans de Mississauga, mère de deux enfants, a déclaré qu’elle a décidé de rester avec son mari, plus pour ses enfants que pour elle-même, même après avoir découvert que son mari avait épousé une autre femme.
Au cours de l’année où il avait deux épouses, il alternait ses nuits entre les deux. «C’était une pensée horrible. Penser à votre mari avec une autre femme», a-t-elle dit. Mais elle a persisté, avec l’espoir qu’il finirait par quitter sa nouvelle épouse. «J’ai perdu confiance. J’ai perdu tout respect. À ce moment-là je ne l’aimais pas. Je savais qu’il était avec elle. Il dormait avec elle. Il faisait tout avec elle», dit la femme, qui a demandé que son nom ne soit pas dévoilé. Finalement, il a quitté sa seconde épouse.
Bien que le facteur musulman puisse être un élément mineur dans le débat plus large entourant la polygamie, qui, pendant des années, a été centré sur Bountiful, en Colombie-Britannique, il existe un consensus des deux côtés que cette pratique devra bientôt être soumise à un examen de sa constitutionnalité.
Les musulmans estiment que si une telle contestation judiciaire sur la base de la religion est lancée, ils en bénéficieront également. Mais Nik Bala, un professeur de droit de la famille à l’Université Queen’s, estime que le cas des musulmans est beaucoup plus faible que celui des Mormons.
«Dans le cas de Bountiful, l’argument de la liberté de religion s’applique, puisque selon leur religion la polygamie est une condition nécessaire pour aller au paradis. L’islam autorise la polygamie, mais ne l’exige pas pour être considéré un musulman pratiquant», a déclaré Bala. «L’argument de la liberté de religion n’est pas aussi fort».
Mais des deux côtés du débat, la protection des femmes et des enfants est considérée comme primordiale.
Aux yeux de Safa, que la polygamie soit légale ou illégale est dénué de pertinence. «S’il y a des mariages polygames dans les faits, alors il devrait y avoir une sorte de système de soutien mis en place pour nous protéger», a-t-elle dit, suggérant des ateliers sur le mariage ou des groupes de soutien pour les femmes.
Pour l’instant, Safa écrit un blog sur ses deux ans dans un mariage polygame. «Personne ne veut en parler, mais à un certain point, nous devrons avoir cette conversation».
Voir aussi:
La polygamie islamique, et la tolérance à son égard, progressent en Occident
Canada – Des harems aux frais des contribuables à Toronto
Canada – Mariage par téléphone et visa à la clé
Le mariage temporaire en droit islamique – une violence sociale légitimée
Suède- Un juge propose de légaliser la polygamie
Colombie Britannique – Constitutionalité de la polygamie
Maroc – Combat de femmes contre la polygamie
Indonésie – Des femmes réclament l’abolition de la polygamie