L’UdeM, une université laïque fondée par des Catholiques
Par Marc Lebuis
Point de Bascule, le 23 février 2010
Les photos publiées par Point de bascule exposant des extrémistes islamiques s’appropriant l’espace public de l’école des Hautes Études Commerciales (HEC), une institution affiliée à l’Université de Montréal (UdeM), ont suscité de multiples réactions.(Pour voir les photos cliquez sur: Prière journalière aux HEC-Montréal. Que nous réserve demain?)
Notons qu’aussi paradoxal que ça puisse paraître, au Québec, les chrétiens pratiquants ont très souvent initié ou participé à la laïcisation des institutions d’enseignements, des hôpitaux et même des oeuvres charitables. Depuis 1967, l’université de Montréal n’a plus de chapelle sur le campus. Voilà comment ça s’est passé:
Le 14 février 1920, la Loi constituant la Corporation de l’Université de Montréal est sanctionnée par l’assemblée législative du Québec. Cette loi, première charte civile de l’Université de Montréal, donne un statut légal à la nouvelle corporation. Elle définit aussi son objectif principal, soit de : Division des archives 6 Université de Montréal donner dans les limites actuelles de la province ecclésiastique de Montréal, conformément aux principes catholiques, l’enseignement supérieur et professionnel.
L’administration du nouvel établissement est à la fois cléricale et laïque. Certaines fonctions sont réservées à des ecclésiastiques : le chancelier (l’archevêque de Montréal), le recteur, le vice-recteur. D’autres sont dévolues à des laïcs : le président de l’Université (titre honorifique), le président de la Commission d’administration et le secrétaire général.
Malgré l’obtention de la charte civile, il faudra attendre jusqu’au 30 octobre 1927 pour que soit promulguée la bulle papale Christiani orbis, qui proclame l’absolue et parfaite autonomie ou indépendance de l’Université de Montréal.
C’est dans le contexte d’une société en pleine mutation que progresse l’Université de Montréal après l‘adoption de la charte de 1950. Développement économique accéléré, croissance démographique considérable, urbanisation croissante, explosion des connaissances, changement des mentalités, remise en question de la place de l’Église, tous ces phénomènes sont au coeur de l’évolution du Québec des années cinquante et encore plus de celui des années soixante. L’éducation devient un des enjeux majeurs de la Révolution tranquille.
Des changements s’amorcent en 1961, lorsque Lucien Piché devient, avec l’accord de Rome, le premier vice-recteur laïque de l’histoire de l’Université. Mais c’est en 1965, avec la nomination de Roger Gaudry comme premier recteur laïque, que l’Université entre dans la modernité. Professeur et chercheur Division des archives Université de Montréal reconnu mondialement, il réorganise l’administration et la structure facultaire et oriente la mission universitaire vers les études supérieures et la recherche.
Pour réaliser ses objectifs, il s’appuiera sur une nouvelle charte préparée par une commission composée d’étudiants, de professeurs, de diplômés et d’administrateurs. Dans le préambule de cette charte, on déclare que : l’université reconnaît à ses membres les libertés de conscience, d’enseignement et de recherche inhérentes à une institution universitaire de caractère public, et qu’elle désire faire participer à son administration ses professeurs, ses étudiants et ses diplômés.
Il s’agit d’un changement majeur. L’objet de la corporation civile devient l’enseignement supérieur et la recherche. On ne retrouve plus comme auparavant la mention des principes catholiques devant diriger l’Université. L’archevêque perd les pouvoirs que lui conférait l’ancienne charte. L’accord de Rome ne sera plus nécessaire pour la nomination du recteur puisqu’il sera choisi par le Conseil de l’Université avec la participation de l’Assemblée universitaire.
La démocratisation de l’institution s’exprime par la place donnée à la communauté universitaire dans les corps universitaires qui administrent l’Université. Le Conseil de l’université, qui remplace le Conseil des gouverneurs, comprend maintenant des professeurs, des étudiants et des diplômés. Une Assemblée universitaire est créée avec le mandat d’énoncer les principes généraux qui président à l’orientation de l’Université. Elle est composée de la Direction de l’Université, des doyens des facultés et des directeurs des écoles affiliées, auxquels s’ajoute une majorité de professeurs, d’étudiants et de membres du personnel non enseignant.
Cette charte, adoptée le 12 août 1967, est toujours en vigueur! « (Divisions des Archives. Université de Montréal)
En résumé:
- En 1927 l’université de Montréal est proclamée PAR le Vatican comme indépendante
- Les années 1950 changement des mentalités, remise en question de la place de l’Église
- 1961 avec L’ACCORD de Rome, Lucien Piché devient le premier vice-recteur laïque de l’histoire de l’Université.
- 1965 Roger Gaudry premier recteur « laïque » de l’Université entre dans la modernité. Il réorganise l’administration et oriente la mission universitaire vers les études supérieures et la recherche.
- Le préambule de la nouvelle charte déclare que : l’université reconnaît à ses membres les libertés de conscience, d’enseignement et de recherche inhérentes à une institution universitaire de caractère public,
- Depuis 1967 l’université de Montréal n’a plus de chapelle sur le terrain de l’université.
- Il n’y a plus de prières sur le campus de l’université. L’université est donc un endroit culturellement et officiellement laïc!
- Si les catholiques de l’université désirent prier, ils le font à l’extérieur du campus.
Source: LES DOCUMENTS FONDATEURSDEL’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, Service de la gestion de documents et d’archives de l’Université de Montréal
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Par Marc Lebuis au nom de l’équipe de Point de Bascule
Publié dans Le Devoir le 15 février 2010